Dans un entretien qu’il a accordé au Monde quelques semaines avant son décès survenu le 12 janvier, l’historien des idées analyse l’état des forces du courant « néoréactionnaire » depuis l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron et pourquoi les intellectuels de gauche donne des entretiens dans Éléments.
LE MONDE : Emmanuel Macron et certains ministres de son gouvernement n’ont-ils pas, par ailleurs, récupéré des éléments de langage du néoconservatisme ambiant ?
DANIEL LINDENBERG. C’est un fait que le discours de certains ministres du président, je pense à Jean-Michel Blanquer dans le domaine de l’éducation ou encore celui de Gérard Collomb dans celui de l’islam et de la laïcité, n’est nullement en rupture avec les éléments de langage les plus rétrogrades sur ces questions. Ce qui entretient pour le moins la confusion ; cette confusion permet que ce soient les mêmes intellectuels qui soient plébiscités par des organes de droite comme Le Figaro, La Revue des deux mondes, Le Point, Valeurs actuelles et des organes réputés encore être de Gauche (L’Obs, Marianne et France-Culture).
LE MONDE : Comment expliquez-vous la banalisation des interviews d’intellectuels de gauche dans la revue Éléments ?
DANIEL LINDENBERG. La revue Éléments a été créée par les intellectuels d’extrême droite qui, voyant la stérilité des stratégies de la violence, ont privilégié ce qu’ils appellent « le combat des valeurs », c’est-à-dire la séduction par la supériorité des arguments (ou de l’argumentation). Les intellectuels de gauche sont flattés par cette attention qui leur est portée par les représentants en pointe de la révolution conservatrice. Ils éprouvent la sensation toujours enivrante de dîner avec le diable tout en sortant d’un certain ghetto. La revue Éléments, créée en 1975, remplit depuis des années cette fonction qui avait d’abord été celles de revues communistes ou communisantes (La Pensée, La Revue internationale).
Extrait de l'entretien de Nicolas Truongdans Le Monde 14 janvier 2018
Entretien complet dans Le Monde.fr
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