À l'occasion des élections européennes qui devraient déplacer plus de 380 millions de citoyens du 23 du 25 mai prochain, la revue Éléments a lancé une grande enquête auprès de tous ses (nombreux) correspondants et amis européens sur l'état de l'Union européenne. Premier invité : le Croate Tomislav Sunić. Ancien diplomate, professeur de sciences politiques, traducteur et écrivain, il est l'auteur de La Croatie un pays par défaut ?
Tomislav Sunić et son épouse Ksenija (Xenia) Bakran-Sunić, auteur d'un recueil de poèmes «L'ancienne vie est morte/The Old Life is dead»
Éléments : Depuis 2010, les sondages Eurobaromètre montrent invariablement que le pourcentage global des Européens défavorables à l’Union européenne est constamment supérieur à celui des Européens qui lui sont favorables. Les déceptions qu’a engendrées jusqu’ici la construction européenne doivent-elles oui ou non remettre en question l’idéal d’une Europe politiquement unie ? Pourquoi faire l’Europe ?
Tomislav Sunić : L’idée de la construction de l’Union européenne relève d’un pur constructivisme académique, du « wishful thinking » des bien-pensants occidentaux qui fut très à la mode suite à la Deuxième Guerre mondiale. Ce constructivisme européen, « à la yougoslave » ou « à la soviétique », quoique jamais exprimé officiellement, eut comme but d’endiguer la prétendue hégémonie allemande, et par détour, d'accélérer la disparition de tous les peuples européens. Or, les développements de cette construction européenne, depuis le Traité de Rome et, surtout, depuis le Traité de Maastricht, ont rétrospectivement démontré le dilettantisme de ses architectes, ainsi que le caractère surréel et donc fragile de cette construction hyperréelle. L’Union européenne est en train de s’autodétruire.
En quoi le projet européen tel qu’il a été pensé, vous rappelle le constructivisme « yougoslave » ou « soviétique » ?
Tomislav Sunić : Le bric-à-brac de l’état multiculturel qui fut naguère l’ex-Yougoslavie fut un projet sorti ex nihilo de Versailles et de Trianon, voué donc à l’échec dès sa naissance. Le rassemblement forcené et par des oukases belgradois (à la bruxelloise) de peuples divers mena fatalement à la méfiance de tous contre tous. Idem pour l'Union soviétique. Ces deux constructions remontaient au jacobinisme français. L’Union européenne n’est aujourd’hui que le mime des deux exemples yougoslave et soviétique, qui ont déjà donné naissance à tant de haine mutuelle en Europe de l’Est et en Eurasie. L’Union européenne, telle que nous la voyons sur la mappemonde, aura une courte durée. Hélas, le prix sera élevé.